La préparation mentale du cavalier

La préparation mentale prend de plus en plus de place dans le sport équestre. Si la technique, la tactique et le physique sont les 3 grands piliers de la performance sportive, le mental serait le 4ème. Un aspect d’autant plus important à travailler dans l’équitation puisque c’est un sport qui se pratique en binôme.

Maxime Chataignier est un ancien patineur de vitesse de haut niveau ayant évolué 10 ans en équipe de France olympique short track. Au cours de sa carrière, il a notamment participé à 3 olympiades d’hiver. Il remporte la médaille d’or et de bronze en 2010 lors des championnats d’Europe, et termine premier du classement général de 1 500 mètres en 2011.

Aujourd’hui préparateur mental, notamment dans le milieu équestre, il a accepté de répondre à nos questions. Quelles sont les problématiques récurrentes des cavaliers et comment les solutionner ? Comment gérer son stress et celui de son cheval en concours ? Comment réagir en cas de contre-performance ?

Maxime répond à ces questions et vous donne des conseils pour améliorer votre préparation mentale et ainsi mieux performer en concours.

Maxime Chataignier nous parle de sa vision de la préparation mentale du cavalier

Dans quelle mesure interviens-tu auprès des sportifs de haut niveau ? Quel est ton rôle ? Qu’est-ce que tu leur apportes ?

Mon rôle, auprès des sportifs de haut niveau, est multiple.

Tout d’abord, je les aide à mieux gérer leur émotions, appréhender les différents objectifs qu’ils se sont fixés et à gérer la pression… Ça c’est la base du travail.

Très souvent, j’ai plutôt un rôle d’organisateur pour fluidifier leur quotidien ou leur écosystème.

Si on se concentre que sur le cavalier, c’est plus particulier. C’est un sportif assez atypique. À haut niveau, il est propriétaire de son infrastructure c’est-à-dire qu’il a une écurie dans laquelle il pratique. Mais ça implique qu’il y ait un modèle économique qui fonctionne en plus de la compétition sportive.

À l’inverse moi, lorsque j’étais sportif, j’étais payé à faire du sport. En dehors de ces heures de compétitions et d’entraînement, je n’avais pas grand-chose à gérer. Le jour où j’ai arrêté ma carrière, il a fallu que je me reconvertisse. Je le savais, c’était un projet qu’il fallait que j’anticipe.

Contrairement à bon nombre de sportifs, pour le cavalier, tout est un peu imbriqué. Il a un modèle économique qui fonctionne en association avec ses performances sportives. Donc, si ses écuries tournent bien, ça génère des revenus qui lui offrent une certaine sérénité qui lui permet de faire du concours. Si les résultats des concours sont bons, ça lui génère des revenus et une notoriété… qui vont bénéficier positivement à sa structure. Donc c’est vraiment des choses sur lesquelles on peut travailler ensemble.

Par exemple, quelqu’un du niveau de Gwen (ndrl : Fer, sa compagne), c’est une quinzaine de personnes autour d’elle. Pas tous à plein temps ou au quotidien, mais quelqu’un comme Andy Booth (avec qui Gwendolen Fer travaille l’éthologie. Vous pouvez retrouver leur interview ici) fait partie de ces 15 personnes. Il y a aussi des community managers, qui ne sont certes pas en 1ère ligne, mais qui sont importants aujourd’hui en 2023 pour communiquer avec les partenaires etc…

Quand je commence à travailler avec un cavalier de haut niveau, je m’occupe aussi de ça. Concrètement, je vais me demander quel est le besoin. Est-ce qu’il y a une gestion de stress ? Si oui, je vais donner les outils de base pour pouvoir gérer ça rapidement.

Mais après, on va faire un audit de toute l’organisation. Le but c’est de sortir du « physique/technique » et de chercher un peu plus loin. Comme le travail du mental du cheval, pour lequel on fait appel à des professionnels comme Andy. Car mine de rien, ça peut être impacter par plein de soucis du quotidien. On va essayer de mettre de l’ordre dans tout cela.

La préparation mentale c’est un peu un mot fourre-tout dans lequel tu vas retrouver énormément de choses. Mais je dirais qu’avec les cavaliers de très haut niveau, je suis un peu plus dans une démarche de conseil au quotidien. Le mental peut être abîmé par plein de choses : mauvaise organisation, échec… J’essaye de construire quelque chose le plus solide possible, et de le garder en bon état jour après jour.

Quelles sont les problématiques récurrentes que les cavaliers rencontrent ?

La problématique récurrente chez les cavaliers, c’est la gestion de la pression ou du stress.

Le cavalier amateur va plutôt avoir une gestion du stress. Il va trouver le parcours très haut, que son cheval est très bon et lui pas assez… On va donc travailler sur la gestion des émotions et du stress, le fait de bien analyser la difficulté, et s’auto-convaincre qu’on est capable de la surmonter.

La gestion de la pression, c’est quand l’enjeu est important et que les conséquences d’un échec potentiel pourraient vraiment être dommageables.

Et il y a des concours comme le circuit du Grand National, auquel les cavaliers ont l’habitude de participer. Mais si on est dans une saison Olympique, il ne faut pas faire de barre pour tenter de se qualifier. Le sportif de haut niveau doit plus gérer la pression que le stress.

Pour un cavalier de haut niveau, il y a également plus de pression concernant les partenaires, les gains, les frais au concours, le prix des chevaux et les retombées…

Fort de ce constat, quels conseils donnerais-tu à un cavalier qui souhaiterait travailler sa préparation mentale avant un concours ?

Le conseil le plus simple c’est la recette du gâteau au chocolat.

Si vous êtes face à un parcours ou une difficulté, dites-vous qu’il faut appliquer la même méthode que si vous faisiez un gâteau en vous demandant : quelle est la liste des ingrédients dont j’ai besoin pour que mon gâteau soit bon ?

Souvent, quand on stresse beaucoup, on a tendance à se concentrer sur les ingrédients qu’il ne faut pas mettre dans le gâteau. Et tu n’as aucune recette qui commence par « surtout ne mettez pas tel ingrédient » ou des choses comme ça. Face à un parcours, certains cavaliers disent « il ne faut pas que je tire, il ne faut pas que je pousse. Il ne faut pas que je fasse ci, ou ça va mal se passer… ». Donc on a tendance à monter contre la barre, ou contre le refus, et à monter contre l’échec.

Moi j’appelle plutôt ça la stratégie de la réussite : c’est déjà d’aller droit au but et de se concentrer pour que ça se passe bien. Quand on monte à la maison, quand on s’entraîne au quotidien, on monte dans cette direction là. Pour être toujours plus précis dans ses aides, avoir les places les plus précises, dans le mieux, et la réussite. En concours, on a tendance à se concentrer sur les erreurs qu’on ne veut pas faire. On sait par ailleurs que le cérébral ne fonctionne que dans le positif. Le cerveau ne fonctionne pas avec le négatif. Donc si tu dis à ton cerveau « il ne faut pas que je tire, que je pousse » tu provoques une certaine saturation cognitive, c’est sûr que ça ne pourra pas fonctionner. Il faut donc se concentrer sur ce qui se passe bien, et dérouler cette partition là en mettant toute notre énergie là-dessus.

Autre conseil, pensez à la recette de l’itinéraire : vous partez d’un itinéraire où vous allez être sans faute. Vous allez passer par ici, et par là. Si vous vous dites « je veux aller à Saintes », ce n’est pas pour autant que vous allez arriver à Saintes. Il s’agit de dire « je veux être sans faute » donc sur l’obstacle n°1 je vais faire ci, sur le 2 je vais faire ça, sur le 3 je vais faire attention à mettre ma jambe dans la courbe…

Plus on se concentre sur ces choses là, moins on se concentre sur le stress, la pression, l’environnement autour. On s’éparpille donc moins.

Parle-nous du cahier de performances. Que peut-il apporter aux cavaliers ? 

L’objectif de ce cahier c’était justement d’aider les jeunes (et les moins jeunes) à bien analyser leur quotidien. De ne pas être juste perfectionniste au moment de l’entraînement, et de ne pas arriver dans ce que j’appelle la « démarche examen ». C’est-à-dire arriver à un entraînement, espérer de tout faire les doigts dans le nez et réussir. Parce que l’on est pas dans le bon état d’esprit. Le coach, lui, son objectif ce n’est pas que vous réussissiez mais que vous progressiez. Il va vous amener hors de votre zone de confort.

Donc l’idée c’était de dire : on va bien organiser votre préparation, on va essayer de vous connecter aux objectifs que vous devez remplir aujourd’hui. Car il y a beaucoup de cavaliers qui arrivent dans la carrière qui ne savent pas ce qu’ils vont. C’est des wagons rattachés derrière le train du coach. Et moi je veux vraiment faire des locomotives.

Dans cet agenda vous pouvez débriefer vos séances. Il y a le programme de la journée, les « + » et les « – » et la section importante pour les objectifs à se fixer pour la prochaine séance. Il y a plein d’outils pour bien aider sa préparation. On a également insérer des QR codes qui envoient vers une page Youtube où vous pourrez trouver encore plus de contenu digital.

À la fin, on a mis « le conseil des experts ». Il y a plein de sujets différents (par exemple, la check list matériel avec des pages de notes, gestion de la blessure avec un ostéo de haut niveau…). Tout le monde peut l’utiliser, il n’y a pas de limite de niveau.

Dans cette première partie d’interview, Maxime Chataignier nous a parlé de la préparation mentale du cavalier. La gestion de ses propres émotions est essentielle pour performer en compétition. Mais l’équitation étant un sport qui se pratique à 2, il est nécessaire de prendre également en compte la gestion émotionnelle du cheval. Dans la seconde partie de cette interview, Maxime nous explique comment la préparation mentale du cavalier peut influencer positivement les performances du cheval.

Suite de l’article : travailler son mental avec son cheval ]