La préparation mentale en équitation

Dans un article précédent, Maxime Chataignier nous a parlé de la préparation mentale du cavalier. Au travers d’exemples concrets, il nous a donné des conseils à appliquer pour gérer son stress lors des compétitions. Mais le cheval a sa propre manière de fonctionner. Réussir à gérer les émotions de celui-ci est nécessaire pour performer en compétition. La préparation mentale en équitation est donc essentielle pour limiter la pollution émotionnelle du couple. Maxime nous explique comment au travers d’un exercice de respiration le couple peut mutuellement s’apaiser. Dans l’éventualité où cela n’aurait pas été suffisant, il nous donne les bonnes attitudes à avoir en tête si le résultat n’est pas à la hauteur de vos espérances. La préparation mentale en équitation se travaille avant, mais aussi après un concours.

La préparation mentale en équitation, une affaire de duo

Dans quelle mesure peut-elle également aider à gérer les émotions de son cheval ?

C’est la grande discussion que nous avons avec Andy. Nous faisons le même métier, mais on ne parle pas au même membre du binôme. Ce qui est très intéressant c’est qu’il y a une pollution émotionnelle entre les 2.

J’ai mis en place un outil de respiration pour les cavaliers afin qu’ils gèrent leur émotions au paddock. Et cet outil répond à 4 critères différents :

  • Ça ne doit pas se voir de l’extérieur. Si le cavalier gère ses émotions ça ne regarde personne.
  • Il faut que ça soit instantané. Les cavaliers au paddock n’ont pas le temps de prendre 5 minutes pour leur respiration.
  • Ça aide à gérer les émotions.
  • Ça favorise la concentration. Parce que parfois le stress n’est pas toujours le principal facteur. Prenons le cas des cavaliers professionnels qui sortent des jeunes chevaux. Ils enchaînent beaucoup de tours dans le même week-end, à un rythme très soutenu. Il faut qu’ils soient focus pour ne pas se faire surprendre ou manquer de vigilance.

Dès lors que j’ai mis en place cet outil, ça a cartonné. Et beaucoup de personnes m’ont dit « c’est fou comment ça pose mon cheval aussi ». Mais ce n’était pas vraiment anticipé… C’est le 5ème élément qui s’est rajouté au cahier des charges : ça agit positivement aussi sur le cheval.

J’étais face à un constat : sans vraiment arriver à savoir pourquoi, n’étant pas vraiment issu du monde de l’équitation, cette méthode fonctionnait.

Je me suis donc un peu documenté sur l’équi-coaching et l’équi-thérapie. J’ai constaté que les chevaux sont capables de calmer des gens plutôt stressés, ou qui sont dans certains conflits avec eux même. Je me suis demandé « est-ce que l’on aurait pas ce pouvoir inverse de calmer le cheval ? ». Travailler avec Andy, ça a résolu pas mal de mystères : on a effectivement cette double responsabilité.

Le cheval, n’ayant pas de contexte frontal, n’a pas cette capacité d’analyse et va réagir de manière épidermique en se disant « danger – j’ai peur ». Et cette capacité d’analyse, nous cavaliers, on l’a. On a cette double responsabilité : de gérer nos émotions, et les leurs.

Il faut donc se dire « si déjà, je me concentre sur ma gestion émotionnelle, je ne vais pas avoir une pollution émotionnelle. »

Autre chose à laquelle on ne pense pas assez, mais le cheval sent une mouche qui se pose sur lui. Il ressent des choses infimes. Donc on le tend aussi avec notre tension musculaire. Il est capable de sentir le changement de tension artérielle du cavalier à travers les artères fémorales. Le cheval est une vraie éponge vis à vis de ce qui se passe au niveau du cavalier. Il ressent tout notre stress.

L’idée, c’est de ne pas arriver dans un cercle vicieux en disant « mon cheval est tendu donc ça me stresse ». Très souvent c’est nous qui les rendons comme ça.

Et la 2nde partie de ma réponse, c’est d’arriver à connecter notre cheval avec nous afin qu’il ne puisse pas se concentrer sur ce qui lui fait peur. Vous ne pouvez pas gérer toutes les situations possibles et imaginables avec un cheval. Donc il y aura toujours quelque chose de différent par rapport à d’habitude. Il faut donc avoir une parade pour le garder avec vous.

Si le cavalier ne gère pas ses émotions, il ne sera pas capable de les gérer pour les 2. Il faut essayer de ne pas être une éponge si le cheval monte en émotion lui-même. Le cavalier reste le phare qui brille dans la nuit. Si le cheval sent que le cavalier est stressé, c’est qu’il faut être stressé. Si là-haut c’est calme, c’est que déjà potentiellement on a un contrôle sur la situation.

Comment ne pas se dévaloriser quand la performance n’est pas présente ? La préparation mentale intervient-elle après une compétition d’équitation ?

Dans l’équitation, il y a un niveau de contrôle de la performance qui est plutôt faible par rapport à d’autres disciplines. Qu’il s’agisse d’épreuves au chrono, en natation ou en athlétisme par exemple. Tu exploses ton meilleur temps aujourd’hui, tu es en compétition le lendemain, si tu ne tombes pas dans les escaliers, ça va logiquement bien se passer. En tout cas, il y a de fortes chances que tu sois en confiance.

Le cavalier peut enchaîner un parcours sans faute, lorsqu’il y retourne dans la demi-heure qui suit, ce n’est pas dit qu’il soit à nouveau sans faute. Parce qu’il y a beaucoup d’impondérables, de choses que l’on ne contrôle pas forcément.

Ce qui est marrant, c’est de faire des statistiques des meilleurs cavaliers par couples. On s’aperçoit que même les meilleurs mondiaux ont des statistiques plutôt faibles comparées à d’autres disciplines.

Prenons l’exemple du tennis : il y a 5 athlètes qui, depuis des années, remportent tous les tournois. En équitation, ce n’est pas toujours le cas. Parti de ce constat, je ne vais pas dire qu’il y a une certaine part de fatalité dans l’acceptation de son résultat, mais en tout cas qu’il faut savoir se détacher du résultat en tant que tel.

Je conseille toujours de se concentrer sur le bénéfice d’une épreuve plutôt que le résultat. Parce que l’on peut avoir des chevaux en construction, des tours de travail, des situations où il faut rentrer dans une analyse un peu plus profonde que juste « j’ai gagné ou j’ai perdu ». L’équitation ne fonctionne pas comme ça. Comme la nature est bien faite, l’équitation est un sport que l’on peut pratiquer longtemps. Ça permet aussi d’enlever une certaine pression. Moi je faisais un sport de sprint, où je savais que ma carrière allait durer environ 10 ans. Donc dès que je ratais une compétition, potentiellement j’avais perdu plus ou moins 10% de ma carrière.

Il faut toujours avoir des objectifs et être audacieux, ambitieux… Mais ne pas valoriser et construire sa confiance que sur les résultats que l’on obtient. On ne contrôle pas une très grande partie de sa performance. Et le résultat, c’est sa performance contre celle des autres.
Si ça se trouve, vous avez fait le tour de votre vie aujourd’hui, le cheval il va super, il est en train de progresser et tout va bien. Mais il se trouve que dans cette épreuve là, plein de cavaliers professionnels sont également engagés. Le résultat ne va pas être le même. Il y a plein de choses que vous ne contrôlez pas.

C’est important de rentrer dans une analyse où l’on se fixe des objectifs d’évolution technique, de travail, d’attitude, de comportement… Et si en plus de cela, il y a le résultat au bout : tant mieux. Mais il ne faut pas être dans une analyse « j’ai gagné/j’ai perdu » mais plutôt  « ok, qu’est-ce que j’ai appris aujourd’hui ? Est-ce j’ai progressé ? Est-ce que l’on a compris des choses ? Est-ce que l’on s’est fait plaisir lui – comme moi ? Qu’est-ce que je vais retenir ? Qu’est-ce que je vais faire la prochaine fois ? »

Si vous voulez durer dans l’équitation, vous n’avez pas forcément d’autres choix que d’être comme ça. C’est ce que j’aime avec les grand cavaliers qui ont beaucoup d’expériences. Ils ont vraiment du recul sur les performances et les résultats. Ils ont participé à beaucoup de gros concours. Parfois ça marche, parfois ça ne marche pas. Il y a une certaine sagesse qui arrive avec l’expérience. Ils ont moins cet aspect euphorique quand ils gagnent, et « je suis au fond du seau » quand ils perdent.

Je pense que c’est valable dans tous les sports mais encore plus dans l’équitation où on est obligé de composer avec un élément que l’on ne contrôle pas beaucoup. On pense toujours aux animaux mais Andy m’a donné un autre exemple : le surf, parce qu’il faut composer avec la nature. Si elle te donne la vague qu’il faut, que tu la prends comme il faut, et que toutes les étoiles sont alignées, peut-être que tu vas marquer des points et être champion du monde. Et le sportif qui passe après toi, il est bien meilleur que toi mais il n’a pas eu la vague qu’il fallait. Le temps est passé et il a pris la vague moyenne. Finalement, ce n’était pas pour lui aujourd’hui. Ça ne veut pas dire que toi, tu es une bête, et que lui, il est nul.

Je finirai sur ce conseil. Posez-vous ce constat là : est-ce j’ai été mauvais ou bon ? 
Parfois on se dit « aujourd’hui, je n’ai pas gagné – j’ai un petit 4 points bête ». Mais on a bien monté et on s’est fait plaisir donc ça va dans le bon sens.

L’idée c’est de faire du bon boulot et de construire sur du long terme.

Nous remercions Maxime d’avoir pris le temps de nous parler de l’importance de la préparation mentale en équitation. Si vous souhaitez approfondir ce travail, Maxime propose également de la formation d’athlètes, mentoring sportif ou du team building.